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les mille nuits et une nuit

vrantes et d’entendre le cliquetis des coupes entrechoquées, de détériorer ce qu’il put détériorer, d’abîmer ce qu’il put abîmer, et de bouleverser ce qu’il put bouleverser, tant qu’à la fin il se réveillât un jour avec rien entre les mains si ce n’est lui-même ! Et, de tout ce que lui avait légué son défunt père en fait de serviteurs et de femmes, il ne lui resta plus rien qu’une seule esclave d’entre les nombreuses esclaves.

Mais encore faut-il d’avance admirer la continuité heureuse du sort qui voulut justement que ce fût la merveille même de toutes les esclaves des contrées de l’Orient et de l’Occident qui demeurât dans la maison, désormais sans lustre, du prodigue Aboul-Hassan, fils du défunt marchand.

En effet, cette esclave s’appelait Sympathie, et vraiment jamais nom n’avait mieux convenu aux qualités de celle qui le portait. L’esclave Sympathie était une adolescente aussi droite que la lettre « aleph », d’une taille proportionnée, et si mince et si délicate qu’elle pouvait défier le soleil d’allonger son ombre sur le sol ; la beauté et la fraîcheur de son visage étaient merveilleuses ; tous ses traits portaient clairement la marque de la bénédiction et du bon augure ; sa bouche paraissait scellée par le sceau de Soleïmân, comme pour garder précieusement le trésor de perles qu’elle renfermait ; ses dents étaient des colliers doubles et égaux ; les deux grenades de son sein étaient séparées par le plus charmant intervalle, et son nombril était assez creux et assez large pour contenir une once de beurre muscade. Quant à sa croupe monumentale, elle terminait à point la