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les mille nuits et une nuit

qui les poussait. En même temps nous le vîmes jeter à terre son turban, se frapper la figure, s’arracher la barbe et se laisser choir au beau milieu du navire, en proie à un chagrin inimaginable.

Alors tous les passagers et les marchands l’entourèrent et lui demandèrent : « Ô capitaine, quelle nouvelle y-a-t-il donc ? » Le capitaine leur répondit : « Sachez, bonnes gens ici assemblés, que nous nous sommes égarés avec notre navire, et nous sommes sortis de la mer où nous étions pour entrer dans une mer dont nous ne connaissons guère la route. Si donc Allah ne nous destine pas quelque chose pour nous sauver de cette mer, nous sommes anéantis, tous tant que nous sommes. Il faut donc supplier Allah Très-Haut de nous tirer de cette affaire-là ! »

Le capitaine, après cela, se ramassa et monta sur le mât et voulut ranger les voiles ; mais le vent soudain souffla avec violence et renversa le navire sur l’arrière si brusquement que le gouvernail se cassa, tandis que nous étions tout près d’une haute montagne. Alors le capitaine descendit du mât et s’écria : « Il n’y a de recours et de force qu’en Allah le Très-Haut le Tout-Puissant ! Nul ne peut arrêter le destin ! Par Allah ! nous sommes tombés dans une perdition effroyable, sans aucune chance de salut ou de délivrance ! »

À ces paroles, les passagers se mirent tous à pleurer sur eux-mêmes, et à se faire mutuellement leurs adieux avant de voir s’achever leur existence et tomber leur espoir. Et soudain le navire se pencha sur la montagne en question et se brisa et se dis-