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les mille nuits et une nuit

À ce moment, Kamaralzamân se sentit le front moite, encore plus de désespoir que de fatigue, et délibéra s’il ne devait pas plutôt retourner au campement. Mais il se dit : « Ma bien-aimée Boudour serait capable de mourir de chagrin si je lui annonçais la perte sans recours de ce talisman aux vertus pour moi si inconnues, mais qu’elle doit tenir pour essentielles. Et puis si je retournais, maintenant que tes ténèbres sont si épaisses, je risquerais fort de m’égarer ou d’être attaqué par les bêtes de la nuit. » Alors abîmé dans ces pensées désolantes, il ne sut plus quel parti prendre et, dans sa perplexité, il s’étendit à terre à la limite de l’anéantissement.

Il ne cessa pourtant pas d’observer l’oiseau dont les yeux brillaient étrangement dans la nuit ; et chaque fois qu’il faisait un geste ou qu’il se levait dans la pensée de le surprendre, l’oiseau battait des ailes et lançait un cri pour lui dire qu’il le voyait. Aussi Kamaralzamân, succombant à la fatigue et à l’émotion, se laissa jusqu’au matin aller au sommeil.

À peine réveillé, Kamaralzamân, décidé coûte que coûte à attraper l’oiseau ravisseur, se remit à sa poursuite ; et la même course recommença, mais avec aussi peu de succès que la veille. Et Kamaralzamân, le soir venu, se donna de grands coups en s’écriant : « Je le poursuivrai tant qu’il me restera un souffle de vie ! » Et il ramassa quelques plantes et quelques herbes et s’en contenta pour toute nourriture. Et il s’endormit, guetteur de l’oiseau, et guetté lui-même par les yeux qui brillaient dans la nuit.