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histoire de karamalzamân avec boudour
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zamân fut si profonde qu’il ouvrit la bouche et resta quelques instants sans pouvoir bouger ; car devant ses yeux passa toute la douleur dont il voyait déjà Boudour affligée en apprenant la perte d’une chose qui devait sans doute lui être si chère. Aussi Kamaralzamân, revenu de son saisissement, n’hésita pas à prendre sa résolution. Il ramassa donc un caillou et courut vers l’arbre où se tenait perché l’oiseau. Il arriva à la distance nécessaire pour lancer la pierre sur le ravisseur, et il levait le bras pour le viser, quand l’oiseau sauta de l’arbre et alla se percher sur un second arbre un peu plus éloigné. Alors Kamaralzamân se mit à sa poursuite, et l’oiseau déguerpit et alla sur un troisième arbre. Et Kamaralzamân se dit : « Il a dû voir dans ma main la pierre. Je vais la jeter pour lui montrer que je ne veux pas le blesser. » Et il jeta la pierre loin de lui.

Lorsque l’oiseau vit Kamaralzamân jeter ainsi la pierre, il descendit à terre, mais à une certaine distance tout de même. Et Kamaralzamân se dit : « Le voilà qui m’attend ! » Et il s’en approcha vivement ; et comme il allait le toucher de la main, l’oiseau sauta un peu plus loin ; et Kamaralzamân sauta derrière lui. Et l’oiseau sauta et Kamaralzamân sauta, et l’oiseau sauta et Kamaralzamân sauta, et ainsi de suite pendant des heures et des heures, de vallée en vallée, et de colline en colline, jusqu’à la tombée de la nuit. Alors Kamaralzamân s’écria : « Il n’y a de recours qu’en Allah le Tout-Puissant ! » et il s’arrêta, hors d’haleine. Et l’oiseau également s’arrêta, mais un peu plus loin, sur le sommet d’un monticule.