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les mille nuits et une nuit

sans peine reconnu. Puis elle lui dit : « Comment, mon frère Marzaouân, toi aussi, tu crois à ma folie, comme tous ceux-là ! Ah ! désabuse-toi, Marzaouân ! Ne sais-tu donc ce que dit le poète ? Écoute ces paroles et réfléchis ensuite sur leur portée :

« Ils ont dit : « Elle est folle ! Ô sa jeunesse perdue ! »

« Je leur dis : « Heureux les fous ! Ils jouissent autrement de la vie, et diffèrent en cela de la foule chétive qui se rit de leurs actions ! »

« Je leur dis aussi : « Ma folie n’a qu’un remède et c’est l’approche de mon ami ! »

Lorsque Marzaouân eut entendu ces vers il comprit aussitôt que Sett Boudour était amoureuse, simplement, et que c’était là son seul mal. Il lui dit : « L’homme subtil n’a besoin que d’un signe pour comprendre. Hâte-toi de me raconter ton histoire, et, si Allah veut, je serai pour toi une cause de consolation et l’intermédiaire du salut ! » Alors Boudour lui raconta par le menu toute l’aventure, qui ne gagnerait rien à être répétée. Et elle fondit en larmes, en disant : « Voilà mon triste sort, ô Marzaouân ; et je ne vis plus qu’en pleurant la nuit comme le jour, et c’est à peine si les vers d’amour que je me récite arrivent à mettre un peu de fraîcheur sur la brûlure de mon foie ! »

À ces paroles, Marzaouân baissa la tête pour réfléchir et s’enfonça pendant une heure de temps dans ses pensées. Après quoi il releva la tête et dit à la désolée Boudour : « Par Allah ! je vois clairement