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les mille nuits et une nuit

sage entre les doigts et dit en pleurant : « J’ai vu ! Il y avait beaucoup de sang ! » Alors le roi dit : « C’est tout à fait énorme ! » Et, bien qu’en ce moment il fût pieds nus et eût la tête couverte du turban de nuit seulement, il s’élança dans la chambre de Boudour.

Le roi regarda sa fille d’un regard très sévère et lui demanda : « Boudour, est-ce vrai que tu aies, selon le dire de ces vieilles folles, couché cette nuit avec quelqu’un et que tu portes encore sur toi les traces de son passage : ce qui t’aurait fait perdre ce que tu as perdu ? » Elle répondit : « Mais certainement, ô mon père, puisque c’est toi seul qui l’as voulu, et que d’ailleurs le jeune homme était parfaitement choisi et si beau que je brûle de savoir pourquoi tu me l’as ensuite enlevé ! Voici d’ailleurs sa bague qu’il m’a donnée après qu’il m’eut pris la mienne ! » Alors le roi, père de Boudour, qui avait déjà cru sa fille à moitié folle, se dit : « Elle a maintenant atteint la limite de la folie ! » et il lui dit : « Boudour, veux-tu enfin me dire ce que signifie cette conduite étrange et si peu digne de ton rang ? » Alors Boudour ne put plus se contenir et se déchira la chemise de bas en haut et se mit à sangloter en se donnant des coups sur le visage.

À cette vue le roi ordonna aux eunuques et aux vieilles de lui saisir les mains pour l’empêcher de se faire du mal, et, en cas de récidive, de l’enchaîner même et de lui passer au cou un collier de fer et de l’attacher à la fenêtre de sa chambre.

Puis le roi Ghaïour, au désespoir, se retira chez lui en pensant aux moyens à employer pour obtenir