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les mille nuits et une nuit

qui s’était mis au lit, à la limite du désespoir d’aimer ainsi de toute son âme une jeune fille inconnue qui, après des preuves si marquées d’amour, avait si étrangement disparu.

Puis le roi, pour être encore plus à l’abri des gens et des choses du palais, et pour n’avoir plus à s’occuper que des soins à donner à son fils qu’il aimait tant, fit bâtir au milieu de la mer un palais qui n’était relié à la terre que par une jetée large de vingt coudées, et le fit meubler à son usage et à celui de son enfant. Et tous deux l’habitèrent seuls, loin du bruit et des tracas, pour ne songer qu’à leur malheur. Et pour se consoler un tant soit peu, Kamaralzamân ne trouvait rien de mieux que la lecture des beaux livres sur l’amour, et la récitation des vers des poètes inspirés, dont ceux-ci entre mille :

« Ô guerrière habile au combat des roses, le sang délicat des trophées, qui frangent ton front triomphal teinte de pourpre ta profonde chevelure ; et le parterre natal de toutes ses fleurs s’incline pour baiser tes pieds enfantins !

« Si doux, ô princesse, ton corps surnaturel, que l’air charmé s’aromatise à le toucher ; et si la brise curieuse sous ta tunique pénétrait elle s’y éterniserait.

« Si belle, ta taille, ô houri, que le collier sur ta gorge nue se plaint de n’être point ta ceinture ! Mais tes jambes subtiles, où les chevilles sont enserrées par les grelots, font craquer d’envie les bracelets sur tes poignets ! »