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histoire de karamalzamân avec boudour
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avec mon oreille que j’ai vu la jeune fille, mais avec cet œil-ci et cet œil-là, et que ce n’est point avec mes yeux que j’ai palpé et senti les roses de son corps, mais avec ces doigts-ci et ce nez-là, attrape ça ! » Et il lui asséna un coup de tête dans le ventre qui l’allongea sur le sol, puis il lui saisit la barbe (elle était fort longue) et se l’enroula autour du poignet et, certain que de la sorte il ne lui échapperait pas, il tomba dessus à coups redoublés aussi longtemps que ses forces le lui permirent.

Le malheureux grand-vizir, voyant que sa barbe s’en allait poil à poil et que son âme était également sur le point de lui dire adieu, se dit en lui-même : « Il me faut maintenant mentir ! C’est le seul moyen de me tirer des mains de ce jeune fou ! » Il lui dit donc : « Ô mon maître, je te demande bien pardon de t’avoir trompé. Mais la faute en est à ton père qui m’a en effet recommandé, sous peine de pendaison immédiate, de ne point te révéler encore le lieu où l’on a mis la jeune fille en question. Mais si tu veux bien me lâcher je vais courir prier le roi ton père de te retirer de cette tour ; et je lui ferai part de ton désir de te marier avec cette jeune fille : ce qui le réjouira à la limite de la réjouissance ! »

À ces paroles, Kamaralzamân le lâcha et lui dit : « Dans ce cas, cours vite aviser mon père, et reviens m’apporter immédiatement la réponse ! »

Lorsque le vizir se sentit libre, il se précipita hors de la chambre, en prenant soin de refermer la porte à double tour, et courut, hors de lui et les habits déchirés, vers la salle du trône.

Le roi Schahramân vit son vizir dans cet état la-