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les mille nuits et une nuit

troubler autant qu’il m’a troublé tout à l’heure moi-même ! Mais, ô vizir de mon père, je serais bien aise de savoir ce qu’il a pu vous rapporter ! » Le vizir répondit : « Qu’Allah préserve ta jeunesse ! Qu’Allah consolide ton entendement ! Qu’il éloigne de toi les actions sans mesure et garde ta langue des paroles sans sel ! Ce fils d’enculé prétend que tu es devenu subitement fou, que tu lui as parlé d’une adolescente qui aurait passé la nuit avec toi et qui t’aurait ensuite été ravie, et autres insanités semblables, et que tu as fini par le rouer de coups et par le jeter dans le puits ! Ô Kamaralzamân, mon maître, quelle impudence, n’est-ce pas, de la part de ce nègre pourri ! »

À ces paroles, Kamaralzamân sourit d’un air entendu, et dit au vizir : « Par Allah ! as-tu fini, vieux sale, cette plaisanterie, ou bien veux-tu également sentir si l’eau du puits peut servir au hammam ? Je te préviens que si tout de suite tu ne me dis pas ce que mon père et toi avez fait de mon amoureuse, la jeune fille aux beaux yeux noirs, aux joues si fraîches et rosées, tu me payeras ta ruse plus cher que l’eunuque ! » Alors le vizir, saisi de nouveau par une inquiétude sans limite, se leva à reculons et dit : « Le nom d’Allah sur toi et autour de toi ! Ya Kamaralzamân, pourquoi parles-tu de la sorte ? Si c’est un rêve que tu as fait, par suite de mauvaise digestion, de grâce ! hâte-toi de le dissiper ! Ya Kamaralzamân, vraiment ce ne sont pas là des propos raisonnables ! »

À ces paroles, le jeune homme s’écria : « Pour te prouver, ô cheikh de malédiction, que ce n’est point