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histoire de karamalzamân avec boudour
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éclata en reproches et s’écria : « Je vois bien qu’il ne me reste plus qu’un seul moyen d’en finir avec ces tortures continuelles. Je vais saisir ce glaive qui est là et m’en enfoncer la pointe dans le cœur et la faire sortir par mon dos ! Par Allah ! c’est mon seul recours ! » Et comme elle se disposait vraiment à user de cette violence sur elle-même, le roi Ghaïour fut tellement épouvanté qu’il tira la langue et secoua la main et roula autour de lui des yeux blancs ; puis il se hâta de confier Boudour à dix vieilles fort sages et pleines d’expérience dont l’une était la propre nourrice de Boudour. Et depuis ce moment les dix vieilles ne la quittent pas un seul instant et veillent même à tour de rôle à la porte de son appartement.

« Et voilà, ô ma maîtresse Maïmouna, où en sont les choses maintenant. Et moi je ne manque certes pas d’aller, toutes les nuits, contempler la beauté de la princesse et me dilater les sens à la vue de ses splendeurs. Aussi crois bien que ce n’est point la tentation qui me fait défaut de la monter et de me délecter de son derrière ; mais je pense vraiment que ce serait dommage de porter atteinte, contre le gré de la propriétaire, à une somptuosité si bien gardée. Seulement, ô Maïmouna, je me contente d’elle discrètement, pendant son sommeil ; je l’embrasse, par exemple, entre les deux yeux, tout doucement, bien qu’une considérable envie me pousse à le faire fortement. Mais je me méfie de moi-même, me sachant sans retenue, une fois la chose en train ; je préfère donc m’abstenir complètement, de peur d’endommager l’adolescente.