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les mille nuits et une nuit

ment, que c’était une grosse gemme talismanique, taillée sur six faces et suspendue à une chaînette d’or ancien ; et sur les faces étaient gravés des noms en caractères inconnus ressemblant fort à des fourmis ou à d’autres insectes de même taille. Et il la considérait toujours avec une attention extrême, en calculant ce qu’elle pouvait lui rapporter, quand il vit devant sa boutique un capitaine marin qui s’était arrêté pour voir de plus près cet objet qu’il avait aperçu de la rue.

Le capitaine, après le salam, dit à Grain-de-Beauté : « Ô mon maître, peux-tu me céder cette gemme, ou bien n’est-elle pas à vendre ? » Il répondit : « Tout est à vendre ici, même la boutique ! » Il demanda : « Alors consens-tu à me vendre cette gemme pour quatre-vingt mille dinars d’or ? »

À ces paroles, Grain-de-Beauté pensa : « Par Allah ! cette gemme doit être fabuleusement précieuse ! Je vais faire le difficile. » Et il répondit : « Tu plaisantes sans doute, ô capitaine ! Car, par Allah ! elle me revient à moi, comme prix coûtant, à cent mille dinars ! » L’autre dit : « Alors veux-tu la donner à cent mille ? » Grain-de-Beauté dit : « Soit ! Mais c’est par égard pour toi seul ! » Et le capitaine le remercia et lui dit : « Je n’ai point sur moi tout cet argent-là ; car il serait fort dangereux de circuler à Iskandaria avec une si forte somme. Mais tu vas venir avec moi à bord où tu toucheras le prix avec, en plus, un cadeau de deux pièces de drap, de deux pièces de velours et de deux pièces de satin. »

Alors Grain-de-Beauté se leva, ferma à clef la porte de sa boutique et suivit à bord le capitaine. Et