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les mille nuits et une nuit

depuis le jour de la vente, se leva en reniflant et voulut s’approcher d’elle et la prendre dans ses bras. Mais la belle esclave, indignée et dégoûtée de l’aspect horrible de l’idiot, tira soudain de sa ceinture un poignard et, levant le bras, elle s’écria : « Éloigne-toi ou je vais te tuer avec ce poignard et me l’enfoncer ensuite dans la poitrine ! » Alors la mère de Gros-Bouffi s’élança, les bras en avant, et cria : « Comment osés-tu résister au désir de mon fils, ô insolente esclave ? » Mais la jeune femme dit : « Ô déloyale, où est donc la loi qui permet à une femme d’appartenir à deux hommes à la fois ? Et depuis quand, dis-le moi, les chiens peuvent-ils habiter dans la demeure des lions ? »

À ces paroles, la mère de Gros-Bouffi dit : « Eh bien ! puisqu’il en est ainsi, tu vas voir la vie dure que tu vas mener ici ! » Et la jeune femme : « Je préfère mourir plutôt que de renoncer à l’affection de mon maître, vivant fût-il ou mort ! » Alors l’épouse du wali la fit déshabiller et lui prit ses beaux vêtements de soie et ses bijoux, et lui mit sur le corps une méchante robe de cuisinière en poil de chèvre, et l’envoya à la cuisine en lui disent : « Désormais tes fonctions d’esclave ici consisteront à éplucher les oignons, à mettre le feu au-dessous des marmites, à exprimer le jus des tomates et à faire la pâte du pain ! » Et la jeune femme dit : « Je préfère encore faire ce métier d’esclave que de voir la figure de ton fils ! » Et dès ce jour elle entra dans la cuisine, mais ne tarda pas à gagner le cœur de toutes les autres esclaves qui l’empêchèrent de faire tout travail, en la remplaçant dans l’ouvrage.