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histoire de grain-de-beauté
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faux Grain-de-Beauté pendait entre ciel et terre.

Le corps était recouvert d’un suaire qui l’enveloppait en entier. Aussi le khalifat dit à Giafar : « Enlève le suaire ! » Et Giafar enleva le suaire et le khalifat regarda, mais recula aussitôt, stupéfait, en s’écriant : « Ô Giafar, ce n’est point là Grain-de-Beauté ! » Giafar examina le corps et reconnut qu’en effet ce n’était point là Grain-de-Beauté ; mais il n’en fit rien voir et, calme, il demanda : « Mais à quoi reconnais-tu, ô émir des Croyants, que ce n’est point Grain-de-Beauté ? » Il dit : « Il était plutôt petit de taille, et celui-ci est très grand. » Giafar répondit : « Ce n’est point une preuve. La pendaison allonge. » Le khalifat dit : « L’ancien commandant du palais avait deux grains de beauté sur les joues, et celui-ci n’en a aucun ! » Giafar dit : « La mort transforme, et elle brouille la physionomie ! » Mais le khalifat s’écria : « Soit ! mais regarde, ô Giafar, la plante des pieds de ce pendu : elle porte, en tatouage, selon la coutume des hérétiques sectateurs d’Ali, le nom des deux grands cheikhs ! Or, tu sais bien que Grain-de-Beauté n’était point schiite mais sunnite ! » À cette constatation, Giafar conclut : « Allah seul connaît le mystère des choses. » Puis tous deux regagnèrent le palais, et le khalifat donna l’ordre d’enterrer le corps. Et depuis ce jour il bannit de sa mémoire jusqu’au souvenir même de Grain-de-Beauté.

Mais pour ce qui est de l’esclave, la seconde épouse de Grain-de-Beauté, elle fut conduite par l’émir Khaled auprès de Gros-Bouffi, son fils. Et à sa vue Gros-Bouffi, qui n’avait pas bougé du lit