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les mille nuits et une nuit

Beauté tout l’or qu’il avait pris aux deux juifs, lui conseilla vivement d’attendre à Iskandaria en toute sérénité les nouvelles qu’il ne manquerait pas de lui envoyer de Baghdad, et même d’espérer son arrivée à lui-même à Iskandaria d’où il le ramènerait à Baghdad quand le coupable serait découvert. Puis il l’embrassa en pleurant et le quitta, alors que le navire gonflait déjà ses voiles. Et il s’en retourna à Baghdad.

Or, voici ce qu’il y apprit :

Le lendemain de la pendaison du faux Grain-de-Beauté, le khalifat, fort bouleversé encore, appela Giafar et lui dit : « As-tu vu, ô mon vizir, comment ce Grain-de-Beauté a su reconnaître mes bontés, et l’abus de confiance qu’il a commis à mon égard ! Comment un être si beau peut-il receler une âme si laide ? » Le vizir Giafar, homme d’une sagesse admirable, qui ne pouvait pourtant arriver à saisir les mobiles d’une action si peu logique, se contenta de répondre : « Ô commandeur des Croyants, les actions les plus étranges ne sont étranges que parce que leur mobile nous échappe. En tout cas, nous ne pouvons juger que de l’effet seul de l’acte. Or, cet effet a été ici déplorable pour l’auteur puisqu’il l’a élevé jusqu’à la potence ! Pourtant, ô commandeur des Croyants, Grain-de-Beauté l’Égyptien avait dans les yeux un tel reflet de beauté spirituelle que mon entendement se refuse à croire au fait contrôlé par mon sens visuel ! »

Le khalifat, à ces paroles, réfléchit pendant une heure de temps, puis dit à Giafar : « Au fait, je veux en tout cas aller voir sur la potence se balancer le corps du coupable ! » Et il se déguisa et sortit avec Giafar et arriva à l’endroit où le