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les mille nuits et une nuit

Il répondit : « Près de quarante, à deux ou trois près. » Le chef des gardes dit : « Je veux les voir tous. » Et il les passa en inspection, l’un après l’autre, à diverses reprises, et finit par en choisir un qui ressemblait étonnamment à Grain-de-Beauté, et dit au gardien de la prison : « Celui-ci va me servir comme jadis la bête sacrifiée par le Patriarche, père d’Ismaël, à la place de son fils ! »

Il emmena donc le prisonnier et, à l’heure fixée pour la pendaison, il alla le remettre à l’exécuteur qui aussitôt, devant la foule immense assemblée sur la place, et après les formalités pieuses d’usage, passa la corde au cou du faux Grain-de-Beauté, et, d’un mouvement, le culbuta dans l’espace, pendu.

Cela fait, le chef des gardes attendit l’obscurité pour aller tirer Grain-de-Beauté de la prison et le conduire chez lui en cachette. Et alors seulement il lui révéla ce qu’il venait de faire pour lui et lui dit : « Mais, par Allah ! ô mon fils, pourquoi t’es-tu laissé tenter par ces objets précieux, toi en qui le khalifat avait placé toute sa confiance ? »

À ces paroles, Grain-de-Beauté tomba évanoui d’émotion, et quand, à force de soins, il fut revenu à ses sens, il s’écria : « Par le Nom auguste et par le Prophète, ô mon père, je suis complètement étranger à ce vol, et j’en ignore et le motif et l’auteur ! » Et le chef des gardes n’hésita pas à le croire et s’écria : « Tôt ou tard, mon fils, le coupable sera découvert ! Quant à toi, tu ne saurais rester un instant de plus à Baghdad, car on n’a pas en vain pour ennemi un roi. Je vais donc partir avec toi, en laissant dans ma maison, auprès de ma femme, ton épouse Zobéida, jus-