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les mille nuits et une nuit

Grain-de-Beauté, ma favorite t’appartient dès cet instant ! » Et il appela aussitôt le chef des eunuques et lui dit : « Transporte à la maison de mon commandant du palais tous les effets et les quarante esclaves de ma favorite Délices-des-Cœurs, puis conduis-la elle-même à sa maison dans une chaise à porteurs. » Mais Grain-de-Beauté dit : « Par ta vie, ô commandeur des Croyants, dispense ton indigne esclave de prendre ce qui appartient au maître ! » Alors le khalifat comprit la pensée de Grain-de-Beauté et lui dit : « Tu as peut-être raison. Probablement ton épouse serait jalouse de mon ancienne favorite ! Que celle-ci reste donc au palais ! » Puis il se tourna vers Giafar, son vizir, et lui dit : « Ô Giafar, il te faut descendre immédiatement au souk des esclaves, car c’est aujourd’hui jour de marché, et acheter pour dix mille dinars la plus belle esclave de tout le souk. Et tu l’enverras tout de suite à la maison de Grain-de-Beauté ! »

Giafar se leva à l’heure même, descendit au souk des esclaves, et pria Grain-de-Beauté de l’accompagner pour lui indiquer lui-même le choix à faire.

Or, le wali de la ville, l’émir Khaled, était également descendu ce jour-là au souk, pour acheter une esclave à son fils qui venait d’atteindre l’âge de la puberté.

Le wali de la ville avait en effet un fils. Mais ce fils était un garçon d’une laideur à faire avorter une femme en couches, — contrefait, puant, l’haleine fétide, les yeux de travers, la bouche aussi vaste que la vulve d’une vieille vache. Aussi l’appelait-on Gros-Bouffi.