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les mille nuits et une nuit

conde ? » Grain-de-Beauté s’écria : « Par Allah ! ma joie a été si grande que je n’ai guère eu le temps de réfléchir à tout cela ! Mais, dis-moi alors, ô derviche : et la lettre, qui l’a écrite ? et cet envoi, d’où vient-il ? » Abou-Nowas répondit : « Ah ! Grain-de-Beauté, si tu étais aussi perspicace que tu es beau, il y a longtemps que tu aurais déjà deviné en notre chef, sous ses habits de derviche, notre maître le khalifat lui-même, l’émir des Croyants, Haroun Al-Rachid, et dans le second derviche le sage vizir Giafar le Barmécide, dans le troisième le porte-glaive Massrour, et en moi-même ton esclave et admirateur Abou-Nowas, poète simplement ! »

À ces paroles, Grain-de-Beauté fut à la limite de la surprise et de la confusion, et timidement il demanda : « Mais, ô grand poète Abou-Nowas, quel est le mérite qui a attiré sur moi tous ces bienfaits de la part du khalifat ? » Abou-Nowas sourit et dit : « Ta beauté ! » Et il ajouta : « C’est le plus grand des mérites à ses yeux d’être jeune, sympathique et beau. Et il considère que l’on n’achète jamais assez cher le simple spectacle d’un être beau et la vue d’un joli visage ! »

Sur ces entrefaites, le khalifat vint reprendre sa place sur le tapis. Alors Grain-de-Beauté vint s’incliner entre ses mains et lui dit : « Ô émir des Croyants, qu’Allah te conserve à notre respect et à notre amour, et qu’il ne nous prive jamais des bienfaits de ta générosité ! » Et le khalifat lui sourit et lui caressa légèrement la joue et lui dit : « Je t’attends demain au palais. » Puis il leva la séance et, suivi de Giafar, de Massrour et d’Abou-Nowas qui