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histoire de grain-de-beauté
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je suis un Délieur choisi et par ton père et par ton premier époux. Et, en prévision d’un mauvais vouloir probable de ma part, ils ont eu soin tous deux de me faire signer un contrat, par devant le kâdi, qui m’oblige à leur payer dix mille dinars si ce matin je ne te répudie pas. Or, vraiment, je ne vois pas comment je pourrais leur payer cette somme fabuleuse, moi qui n’ai pas en poche un drachme seulement. Il vaut donc mieux que je m’en aille, sans quoi c’est la prison en perspective, puisque je ne suis pas solvable. »

À ces paroles, la jeune Zobéida réfléchit un instant ; puis, baisant les yeux de l’adolescent, lui demanda : « Comment t’appelles-tu, mon œil ? » Il dit : « Grain-de-Beauté. » Elle s’écria : « Ya Allah ! jamais nom n’a été mieux porté ! Eh bien ! mon chéri, ô Grain-de-Beauté, comme je préfère à tous les sucres candis ce délicieux nerf blanc de confiture dont tu as dulcifié mon jardin, toute cette nuit, je te jure que nous allons trouver l’expédient pour ne jamais nous quitter ; car je préfère mourir plutôt que d’appartenir à un autre, après t’avoir goûté ! » Il demanda : « Et comment allons-nous faire ? » Elle dit : « La chose est fort simple. Voici ! Tout à l’heure mon père va venir te chercher et il te conduira chez le kâdi pour accomplir les formalités du contrat. Alors, toi, tu t’approcheras gentiment du kâdi et tu lui diras : « Je ne veux plus divorcer ! » Il te demandera : « Comment ? tu refuses les cinq mille dinars que l’on va te donner, et les effets pour mille dinars et le cheval de mille dinars, pour rester avec une femme ? » Tu répondras : « J’estime que chaque cheveu de