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les mille nuits et une nuit

mières notes de ce chant, il cessa de fredonner, et écouta avec une attention charmée. Et il pensa : « Que me disait-elle, cette vieille marchande de pommades ? Par Allah ! elle a dû me mentir ! Une si belle voix ne saurait appartenir à une lépreuse ! » Et aussitôt, prenant le ton sur les dernières notes qu’il venait d’entendre, il chanta d’une voix à faire danser les rochers :

« Mon salut va vers la fine gazelle qui se cache du chasseur et porte mes hommages aux roses éparses sur le parterre de ses joues ! »

Et cela fut dit d’un accent tel, que la jeune femme, secouée d’émotion, courut relever les rideaux qui la séparaient du jeune homme et s’offrit à sa vue, telle la lune se dégageant soudain d’un nuage. Et elle lui fit signe d’entrer vivement, et le précéda en mouvant ses hanches, à mettre debout un vieillard impotent. Et Grain-de-Beauté fut stupéfait de sa beauté, de sa fraîcheur et de sa jeunesse. Pourtant il n’osa l’aborder, hanté qu’il était par la crainte d’une contagion possible.

Mais soudain l’adolescente, sans prononcer une parole, en un clin d’œil se dévêtit de sa chemise, et de son caleçon, qu’elle jeta au loin, et parut toute nue et aussi nette que le vierge argent et aussi ferme et élancée que la tige du jeune palmier.

À cette vue, Grain-de-Beauté sentit se mouvementer en lui l’héritage de son vénérable père, l’enfant charmant qu’il portait entre ses cuisses. Et, comme il percevait distinctement son appel pressant, il vou-