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les mille nuits et une nuit

désir ! tu sens peser sur toi la lourdeur d’une passion qui ne s’allégerait qu’en jaillissant ! »

Mais Grain-de-Beauté, qui, maintenant habitué aux vers du Bilatéral, en saisissait aisément le sens parfois obscur, se leva immédiatement et dit à son hôte : « En vérité, je ne comprends point ton insistance à ce sujet. Je ne puis que te répéter ce que je t’ai déjà dit : Le jour où je vendrais aux autres cette marchandise pour de l’or, à toi je la donnerais pour rien ! » Et, sans vouloir écouter davantage les explications du Bilatéral, il le quitta brusquement et s’en alla.

Lorsqu’il fut dehors, il se mit à errer par la ville. Mais il faisait déjà noir ; et comme il ne savait où se diriger, étranger qu’il était à Baghdad, il résolut de passer la nuit dans une mosquée qui se présenta sur sa route. Il entra donc dans la cour, et comme il allait enlever ses sandales pour pénétrer à l’intérieur de la mosquée, il vit venir à lui deux hommes précédés de leurs esclaves qui tenaient devant eux deux lanternes allumées. Il se rangea pour les laisser passer, mais le plus vieux des deux s’arrêta devant lui et, l’ayant considéré avec beaucoup d’attention, lui dit : « La paix sur toi ! » Et Grain-de-Beauté lui rendit son salam. L’autre reprit : « Es-tu étranger, mon enfant ? » Il répondit : « Je suis du Caire. Mon père est Schamseddîn, syndic des marchands de la Cité. »

À ces paroles, le vieillard se tourna vers son compagnon et lui dit : « Allah nous favorise au delà de nos vœux ! Nous n’espérions pas trouver si tôt l’étran-