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les mille nuits et une nuit

massacrés. Et le cheikh Kamal lui-même, le mokaddem des chameliers, malgré son âge respectable, n’avait pas été épargné plus que les autres et gisait mort, la poitrine percée de nombreux coups de lance. Aussi il ne put supporter davantage la vue d’un spectacle si terrifiant, et il prit la fuite sans oser regarder derrière lui.

Il se mit à courir de la sorte, toute la nuit, et, pour ne pas exciter la cupidité de quelque nouveau brigand, il se dépouilla entièrement de ses riches vêtements qu’il jeta au loin, et ne garda sur lui que sa chemise seulement. Et c’est ainsi qu’à demi-nu il fit son entrée à Baghdad au lever du jour.

Alors, harassé de fatigue et ne pouvant plus rester debout sur ses jambes, il s’arrêta devant la première fontaine publique qui se présenta devant lui, à l’entrée de la ville. Il se lava les mains, le visage et les pieds et monta sur la plate-forme qui surmontait la fontaine, s’y étendit tout de son long et ne tarda pas à s’endormir.

Mais pour ce qui est de Mahmoud-le-Bilatéral, il s’était également mis en route, mais avait pris un raccourci, d’un autre côté, et de la sorte il avait pu éviter la rencontre des brigands ; et, de plus, il était arrivé aux portes de Baghdad, au moment même où Grain-de-Beauté les franchissait et s’endormait sur la fontaine.

Comme il passait près de cette même fontaine, le Bilatéral s’approcha de l’abreuvoir de pierre où l’eau coulait pour les bestiaux, et voulut y faire boire son cheval altéré. Mais la bête vit l’ombre qui s’allongeait de l’adolescent endormi et recula en soufflant.