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les mille nuits et une nuit

sommes, en une seule caravane, afin de pouvoir résister aux attaques des brigands bédouins dont ces terres sont infestées ! » Mais Grain-de-Beauté ne voulut rien entendre et donna l’ordre du départ.

La petite caravane se mit donc seule en marche, et ne cessa de voyager de la sorte jusqu’à ce qu’un jour, vers le coucher du soleil, elle ne fut plus qu’à quelques milles des portes de Baghdad.

Le mokaddem des chameliers vint alors trouver Grain-de-Beauté et lui dit : « Il vaut mieux, mon fils, pousser jusqu’à Baghdad, cette nuit même, sans nous arrêter ici pour le campement. Car cet endroit où nous sommes est le plus dangereux de tout le voyage : c’est la Vallée-des-Chiens ! Nous courons très grand risque d’y être attaqués si nous y passons la nuit ! Hâtons-nous donc d’arriver à Baghdad, avant la fermeture des portes. Car, mon fils, tu dois savoir que le khalifat fait chaque soir soigneusement fermer les portes de la ville pour empêcher les hordes fanatiques d’entrer en cachette et de s’emparer des livres de la science et des manuscrits des lettres, enfermés dans les salles des écoles, et de les jeter dans le Tigre ! »

Grain-de-Beauté, à qui cette proposition n’agréait pas, répondit : « Non, par Allah ! je ne veux pas entrer de nuit dans la ville, car je veux jouir de la vue de Baghdad au lever du soleil ! Passons donc la nuit ici, car enfin je ne suis pas pressé, moi, et je ne voyage pas pour affaires, mais pour mon plaisir simplement et pour voir ce que je ne connais pas ! » Et le vieux mokaddem ne put que s’incliner, tout en