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histoire de grain-de-beauté
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tu courbé ? » Il m’a répondu : « J’ai perdu sur la terre humide ma jeunesse ! Et je me suis courbé pour la chercher. Et maintenant l’expérience est si lourde qui pèse sur moi qu’elle m’empêche de redresser le dos ! »

Mais Grain-de-Beauté répondit : « Ô vénérable mokaddem, il serait tout à fait inconvenant de refuser l’invitation de notre ami Mahmoud qu’on appelle, je ne sais trop pourquoi, le Bilatéral ! Et d’ailleurs je ne vois pas bien ce que j’ai à perdre à l’accompagner. Il ne me mangera pas ! » Et le mokaddem répliqua vivement : « Mais oui ! par Allah ! il te mangera ! Il en a déjà mangé bien d’autres ! »

À ces paroles, Grain-de-Beauté éclata de rire et se hâta d’aller rejoindre le Bilatéral qui l’attendait avec impatience. Et tous deux s’en allèrent sous la tente où était dressé le festin.

Or, vraiment, le Bilatéral n’avait rien épargné pour recevoir comme il fallait le merveilleux adolescent, et tout était disposé pour charmer les yeux et flatter les sens. Aussi le repas fut-il gai et plein d’animation ; et tous deux mangèrent de grand appétit, et burent dans la même coupe jusqu’à satiété. Et lorsque le vin eut fermenté dans leurs têtes, et que les esclaves se furent discrètement retirés, le Bilatéral, ivre de vin et de passion, se pencha sur Grain-de-Beauté et lui prenant les joues de ses deux mains voulut en prendre un baiser. Mais Grain-de-Beauté, fort troublé, leva instinctivement la main ; et le baiser du Bilatéral ne rencontra que la paume de