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histoire de grain-de-beauté
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pauvres derviches, et j’irai à pied parcourir tous les pays et toutes les terres ! »

Lorsque le syndic vit que son fils était résolu à partir coûte que coûte, il fut bien obligé de renoncer à contrarier son projet, et lui dit : « Voici alors, ô mon enfant, quarante charges en plus ; et tu auras de la sorte, avec les dix autres que t’a données ta mère, cinquante charges de chameau. Tu y trouveras les marchandises spéciales pour les besoins de chacune des villes où tu entreras ; car il ne faudrait pas essayer de vendre à Alep, par exemple, les étoffes qu’affectionnent les habitants de Damas ; ce serait de la mauvaise spéculation ! Pars donc, mon fils, et qu’Allah te protège et t’aplanisse le chemin ! Et surtout prends toutes tes précautions en traversant, dans le Désert-du-Lion, un endroit qu’on nomme la Vallée-des-Chiens. C’est le repaire de bandits coupeurs de routes, dont le chef est un Bédouin surnommé « le Rapide » à cause de la soudaineté de ses attaques et de ses incursions. » Et Grain-de-Beauté répondit : « Les événements bons ou mauvais nous viennent de la main d’Allah ! Et, quoi que je fasse, je n’aurai que ce qui doit m’échoir ! »

Comme ces paroles étaient sans réplique, le syndic ne dit plus rien ; mais son épouse n’eut de paix qu’après avoir fait mille vœux et promis cent moutons aux santons et mis son fils sous la sainte protection d’El-Saïed Abd El-Kâder El-Guilani, protecteur des voyageurs.

Après quoi, le syndic accompagné de son fils, qui put à grand peine s’échapper des bras de sa pauvre mère pleurant sur lui toutes les larmes de son cœur,