Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 5, trad Mardrus, 1900.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de grain-de-beauté
225

les moqueries dont il avait été l’objet de la part de ses camarades, et lui déclara vouloir partir à l’instant pour n’importe où, mais partir ! Et il ajouta : « Tu vois bien ce couteau ! Il sera dans ma poitrine si tu ne veux pas me laisser voyager ! »

Devant cette résolution si inattendue, la pauvre mère ne put que dévorer ses larmes et consentir à ce projet. Elle dit donc à Grain-de-Beauté : « Mon fils, je te promets de t’aider de tout mon pouvoir ! Mais comme d’avance je suis sûre du refus de ton père, je vais moi-même te faire préparer un chargement de marchandises, à mes frais. » Et Grain-de-Beauté dit : « Mais alors que cela soit fait tout de suite, avant l’arrivée de mon père ! »

Aussitôt l’épouse de Schamseddîn fit ouvrir par les esclaves l’un des entrepôts de réserve des marchandises, et fit faire par les emballeurs des balles en nombre suffisant pour suffire au chargement de dix chameaux.

Quant au syndic Schamseddîn, une fois les invités partis, il chercha en vain son fils dans le jardin, et finit par apprendre qu’il l’avait devancé à la maison. Et le syndic, terrifié à l’idée qu’un malheur avait pu survenir à son fils le long du chemin, mit sa mule au grand galop et arriva hors d’haleine dans la cour où il put enfin calmer son émotion en apprenant, par le portier, l’arrivée sans encombre de Grain-de-Beauté. Mais quelle ne fut point sa surprise en voyant, dans la cour, des balles et des balles, déjà toutes prêtes à être chargées et portant, sur leurs étiquettes, en grosses lettres, leurs différentes destinations : Alep, Damas et Baghdad…