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les mille nuits et une nuit

savais, ô mon ami, le goût merveilleux du voyage, tu ne voudrais plus rester un instant de plus dans la maison de ton père ! Les poètes ont tous chanté à l’envi les délices de vagabonder, et voici d’ailleurs un ou deux seulement des vers qu’ils nous ont transmis à ce sujet :

« Voyage, qui dira tes merveilles ? Ô mes amis, toutes les belles choses aiment le changement ! Les perles elles-mêmes sortent des fonds obscurs de la mer, et traversent les immensités pour se poser sur le diadème des rois et le cou des princesses ! »

En entendant cette strophe, Grain-de-Beauté dit : « Assurément ! Mais le repos chez soi a bien aussi son charme ! » Alors l’un des garçons se mit à rire et dit à ses compagnons : « Voyez un peu ce Grain-de-Beauté ! Il est comme les poissons : ils meurent sitôt qu’ils quittent l’eau ! » Et un autre renchérit et dit : « Non ! c’est probablement qu’il craint de faner les roses de ses joues ! » Et un troisième ajouta : « Vous ne voyez donc pas qu’il est comme les femmes : elles ne peuvent plus faire un pas toutes seules, sitôt qu’elles sont dans la rue ! » Et un autre enfin s’écria : « Alors quoi ? Grain-de-Beauté, n’as-tu pas honte de n’être pas un homme ! »

En entendant toutes ces apostrophes, Grain-de-Beauté fut tellement mortifié qu’il quitta incontinent ses invités et, enfourchant la mule, prit le chemin de la ville et arriva, la rage dans le cœur et les larmes aux yeux, auprès de sa mère qui fut épouvantée de le voir en cet état. Et Grain-de-Beauté lui répéta