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histoire de karamalzamân avec boudour
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comment faire, dis-le ! Car je ne puis m’accoutumer à l’idée de la punition dont souffre à l’heure qu’il est mon fils, la flamme de mon cœur ! » Alors le vizir lui dit : « Ô roi, aie seulement la patience de le laisser quinze jours enfermé, et tu verras comme il se hâtera de se soumettre à ton désir ! » Le roi dit : « Es-tu bien sûr ? » Le vizir dit : « Certainement ! » Alors le roi poussa plusieurs soupirs et alla s’étendre sur son lit, où il passa une nuit d’insomnie, tant son cœur travaillait au sujet de ce fils unique qui était sa plus grande joie ; il dormit d’autant moins qu’il s’était habitué à le faire dormir à côté de lui, sur le même lit, et à lui donner son bras comme oreiller, veillant ainsi lui-même sur son sommeil. Aussi cette nuit-là il eut beau se tourner et se retourner en tous sens, il ne put réussir à fermer l’œil. Et voilà pour le roi Schahramân.

Pour revenir au prince Kamaralzamân, voici ! À la tombée de la nuit, l’esclave qui était chargé de garder la porte entra avec un flambeau allumé qu’il déposa au pied du lit ; car il avait pris soin de dresser dans cette chambre un lit bien conditionné pour le fils du roi ; et, cela fait, il se retira. Alors Kamaralzamân se leva, fit ses ablutions, récita quelques chapitres du Koran, et songea à se déshabiller pour passer la nuit. Il se dévêtit donc entièrement, ne gardant sur le corps que la chemise, et il s’entoura le front d’un foulard de soie bleue. Et il devint ainsi, plus que jamais, aussi beau que la lune de la quatorzième nuit. Il s’étendit alors sur le lit où, bien qu’il fût désolé à la pensée d’avoir chagriné son père, il ne tarda pas à s’endormir profondément.