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les mille nuits et une nuit

invite donc tous, ô mes amis, à vous rendre demain matin à mon jardin que vous connaissez. Et là, si Allah veut, nous rattraperons ce qui n’était que différé ! »

Aussitôt rentré chez lui, le digne syndic fit faire de grands préparatifs pour le lendemain et envoya au four, pour être rôtis à la première heure, des moutons gavés pendant six mois de feuilles vertes, et des agneaux entiers, avec du beurre en quantité, et des plateaux innombrables de pâtisseries et autres choses semblables ; et il mit, pour cela, à contribution toutes les esclaves de la maison qui étaient expertes en l’art des douceurs, et tous les confiseurs et pâtissiers de la rue Zeini. Mais aussi la chose, il faut le dire, après tant de peines, ne laissait vraiment rien à désirer.

Le lendemain, de bonne heure, Schamseddîn se rendit au jardin avec son fils Grain-de-Beauté, et fit tendre par les esclaves deux immenses nappes en deux endroits séparés assez éloignés l’un de l’autre ; puis il appela Grain-de-Beauté et lui dit : « Mon fils, j’ai fait tendre, tu le vois, deux nappes différentes ; l’une est réservée aux hommes, et l’autre aux garçons de ton âge qui viendront avec leurs pères. Moi je recevrai les hommes à barbe, et toi, mon fils, tu te chargeras de recevoir les jeunes garçons sans barbe. » Mais Grain-de-Beauté, surpris, demanda à son père : « Pourquoi cette séparation et ces deux services différents ? D’ordinaire cela ne se pratique de la sorte qu’entre hommes et femmes. Et les garçons comme moi qu’ont-ils donc à craindre des hommes à barbe ? » Le syndic répondit : « Mon fils, les jeunes garçons imberbes se trouveront plus libres d’être seuls et