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histoire de grain-de-beauté
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Sésame, comment se fait-il que les marchands, avec le cheikh en tête, ne soient pas venus réciter devant moi les versets du premier chapitre du Koran ? » Sésame répondît ; « Heuh ! heuh ! je ne sais pas, moi. Il y a des bruits, comme ça, qui courent dans le souk, des bruits, comment dirais-je, des bruits ! En tout cas, ce que je sais fort bien, c’est qu’un parti s’est formé, composé des principaux cheikhs, qui a résolu de te destituer et d’appeler un autre aux fonctions de syndic ! »

À ces paroles, le digne Schamseddîn changea de teint et, d’un ton resté grave tout de même, il demanda : « Peux-tu au moins me dire sur quoi est basée cette décision ? » Sésame cligna de l’œil, fit mouvoir ses hanches, et répondit : « Voyons, vieux cheikh, ne fais donc pas le malin ! Tu le sais mieux que n’importe qui ! Et ce jeune garçon-là, que tu as mis dans la boutique, il n’est pas là pour chasser les mouches seulement ! En tout cas, sache bien que moi, malgré tout, j’ai pris ta défense, seul de toute l’assemblée, et j’ai dit que tu n’étais pas du tout un amateur de garçons, vu que j’aurais été le premier à le savoir puisque je suis lié d’amitié avec tous ceux qui cultivent de préférence ce jeune sexe acide. Et j’ai même ajouté que ce garçon devait être quelque parent de ton épouse ou le fils de quelqu’un de tes amis de Tantah, de Mansourah ou de Baghdad, venu chez toi pour affaires. Mais l’assemblée entière s’est tournée contre moi et a voté ta destitution. Allah est le plus grand, ô cheikh ! Tu as pour te consoler ce garçon si joli dont tu me permets, entre nous, de te féliciter. Il est vraiment très bien…