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les mille nuits et une nuit

rait et faisait de grands gestes indignés et disait : « Nous ne voulons plus désormais avoir à notre tête, comme syndic du souk, cette barbe vicieuse qui se frotte en public aux jeunes garçons ! Aussi nous allons nous abstenir dès aujourd’hui d’aller réciter avant l’ouverture des boutiques, comme nous avons l’habitude de le faire chaque matin, les sept versets sacrés de la Fatiha en présence du syndic. Et, dans la journée, nous élirons un autre syndic qui soit un peu moins amateur de garçons que ce vieux-là ! »

À ce discours de Sésame les marchands ne trouvèrent rien à redire, et s’arrêtèrent au plan proposé, à l’unanimité.

Quant au digne Schamseddîn, lorsqu’il vit l’heure passer sans que les marchands et les courtiers vinssent réciter devant lui les versets rituels de la Fatiha, il ne sut à quoi attribuer cette négligence si grave et si contraire à la tradition. Et comme il voyait non loin de là cette crapule de Sésame qui le regardait du coin de l’œil, il lui fit signe de s’approcher pour écouter deux mots. Et Sésame, qui n’attendait que ce signe, s’approcha, mais lentement et en prenant tout son temps et en traînant le pas fort négligemment, tout en jetant de droite et de gauche des sourires d’intelligence aux boutiquiers qui n’avaient d’yeux que pour lui, tant la curiosité les tenait en suspens et leur faisait souhaiter une solution à cette affaire qui primait tout à leurs yeux.

Donc Sésame, se sachant le centre de convergence de tous les regards et de l’attention générale, vint, en se dandinant, s’appuyer sur la devanture de la boutique ; et Schamseddîn lui demanda : « Eh bien,