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histoire de grain-de-beauté
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acheteurs et les vendeurs furent émerveillés ; et ils se disaient les uns aux autres : « Ya Allah ! regardez l’enfant ! C’est la lune à sa quatorzième nuit ! » Et d’autres disaient : « Qui est donc ce délicieux enfant qui est derrière le syndic Schamseddîn ? Nous ne l’avons jamais vu ! »

Pendant qu’ils s’exclamaient de la sorte sur le passage de la mule montée par le syndic et Grain-de-Beauté, le courtier Sésame vint à passer dans le souk et aperçut également le jeune garçon. Or, Sésame, à force de débauches et d’excès de haschich et d’opium, avait fini par perdre complètement la mémoire et ne se souvenait même plus de la cure qu’il avait opérée jadis au moyen de sa miraculeuse mixture à base de laitance, de musc, de rob de cubèbe et de tant de choses excellentes.

Donc, en voyant le syndic avec ce jeune garçon, il se mit à ricaner d’un air entendu et à plaisanter crapuleusement sur son compte, en disant aux marchands qui l’écoutaient : « Voyez un peu ce vieillard à barbe blanche ! Il est comme le poireau ! Blanc du dehors et vert en dedans ! » Et il allait d’un marchand à l’autre, répétant à chacun ses bons mots et ses plaisanteries, jusqu’à ce qu’il ne fût resté personne dans le souk qui n’eût la certitude que le syndic Schamseddîn avait un jeune mamelouk mignon dans sa boutique.

Lorsque cette rumeur parvint aux oreilles des notables et des principaux marchands, une assemblée se forma composée des plus âgés d’entre eux et des plus respectés, pour juger du cas de leur syndic. Et au milieu de l’assemblée, Sésame péro-