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histoire de grain-de-beauté
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notre voisin tel et de notre voisin tel et de tant d’autres tués par le mauvais œil ? Crois bien que les tombeaux sont habités la moitié du temps par des morts emportés par le mauvais œil ! »

L’épouse du syndic répondit : « Ô père de Grain-de-Beauté, en vérité, la destinée de l’homme est attachée à son cou ! Comment peut-il y échapper ? Et la chose écrite ne peut s’effacer, et le fils suivra le même chemin que son père dans la vie et dans la mort. Et ce qui existe aujourd’hui demain ne sera plus ! Puis songe aux conséquences funestes dont notre fils sera un jour la victime par ta faute ! En effet, quand, après une vie que je souhaite longue et toujours bénie, tu seras mort, nul ne voudra reconnaître notre fils comme l’héritier légitime de tes richesses et de tes propriétés, puisque jusqu’aujourd’hui tout le monde ignore son existence ! Et de la sorte c’est le Trésor de l’État qui se saisira de tous tes biens et frustrera ton enfant, sans recours. Et j’aurai beau invoquer le témoignage des vieillards, les vieillards ne pourront que dire : « Nous n’avons jamais eu connaissance que le syndic Schamseddîn ait eu un fils quelconque ou une fille ! »

Ces paroles sensées firent réfléchir le syndic qui, au bout d’un instant, répondit : « Par Allah ! tu as raison, ô femme ! Dès demain j’emmènerai avec moi Grain-de-Beauté et je lui apprendrai la vente et l’achat, les négociations et tous les éléments du métier. » Puis il se tourna vers Grain-de-Beauté, que cette nouvelle transportait de joie, et lui dit : « Je sais que tu es ravi de venir avec moi. C’est fort bien ! Mais sache, mon fils, que dans le souk il faut