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histoire de grain-de-beauté
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En entendant ces paroles, le syndic se dit : « Par Allah ! dès demain j’irai chez le droguiste acheter un peu de cette mixture pour m’épaissir les œufs ! »

Aussi le lendemain, à peine le souk ouvert, le syndic prit avec lui une porcelaine vide et alla chez un droguiste et lui dit : « La paix sur toi ! » Le droguiste lui rendit son salam et lui dit : « Ô matinée bénie qui t’amène comme premier client ! Ordonne ! » Le syndic dit : « Je viens te demander de me vendre une once de la mixture qui épaissit les œufs de l’homme. » Et il lui tendit le bol de porcelaine.

À ces paroles, le droguiste ne sut que penser et se dit : « Notre syndic, si grave d’ordinaire, veut sans doute plaisanter. Je vais lui répondre à sa manière. » Et il lui dit : « Non, par Allah ! j’en avais encore hier, mais cette mixture est tellement demandée que mes provisions sont épuisées. Va donc en demander à mon voisin. »

Alors le syndic alla chez le second droguiste, puis chez le troisième, puis chez tous les droguistes du souk, et tous le renvoyaient avec la même réponse, en riant à part eux d’une demande aussi extraordinaire.

Quand le syndic vit que ses recherches restaient sans résultat, il revint à sa boutique et s’y assit tout songeur et dégoûté de l’existence. Et comme il se faisait ainsi du mauvais sang, il vit s’arrêter devant sa porte le cheikh des courtiers, un mangeur de haschich exemplaire, un ivrogne, un consommateur d’opium, en un mot le modèle des crapules et de la canaille du souk. De son nom il s’appelait Sésame.

Pourtant le courtier Sésame respectait beaucoup