Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 5, trad Mardrus, 1900.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
les mille nuits et une nuit

bleue et d’un gilet de cachemire, lui passa autour des hanches un tablier de soie rose où couraient des filets d’or, et le fit se tenir entre ses mains. Puis il lui dit : « Ô Bel-Heureux, dès ce moment il te faut m’appeler ton père, et moi je t’appellerai mon fils, sans quoi les habitants de Damas croiraient qu’il y a entre nous ce que tu comprends ! » Et Bel-Heureux répondit : « J’écoute et j’obéis ! »

Or, à peine la boutique où le Persan devait donner ses consultations eut été ouverte, que de tous côtés les habitants s’y rendirent en foule, les uns pour exposer leur cas, les autres seulement pour admirer la beauté de l’adolescent ; et tous étaient stupéfaits et charmés à la fois d’entendre Bel-Heureux converser avec le médecin dans la langue persane qu’ils ne connaissaient pas et qu’ils trouvaient délicieuse de la bouche du bel assistant. Mais ce qui porta à son extrême limite l’ébahissement des visiteurs, c’était la façon dont le médecin persan devinait les maladies.

En effet, le médecin regardait dans le blanc des yeux pendant quelques moments le malade qui avait recours à lui, puis lui présentait un grand verre de cristal et lui disait : « Pisse ! » Et le malade pissait dans le verre, et le Persan mettait le verre à hauteur de son œil et l’examinait, puis disait : « Tu as telle et telle chose ! » Et le malade toujours s’écriait : « Par Allah ! c’est la vérité ! » Ce qui faisait que tout le monde levait les bras en disant : « Ya Allah ! quel savant prodigieux ! Nous n’avons jamais ouï parler d’une chose pareille ! Comment peut-on connaître ainsi les maladies par l’urine ? »