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les mille nuits et une nuit

passants, jusqu’à ce qu’elle fût arrivée à la porte de la demeure de Printemps. Elle heurta à la porte en disant : « Allah est généreux ! Ô Donateur ! Ô Bienfaiteur ! »

Alors vint lui ouvrir le portier, qui était un vieillard respectable, serviteur ancien de Printemps. Il vit la vieille dévote et, l’ayant examinée, il ne lui trouva pas une figure empreinte de piété, au contraire ! Et de son côté il déplut fort à la vieille, qui lui jeta un regard de travers. Et le portier sentit d’instinct ce regard, et d’instinct, pour conjurer le mauvais œil, il formula mentalement : « Mes cinq doigts gauches dans ton œil droit, et mes cinq autres doigts dans ton œil gauche ! » Puis, à haute voix, il lui demanda : « Que veux-tu, ma vieille tante ? » Elle répondit : « Je suis une pauvre vieille dont le seul souci est la prière. Or, comme je vois que l’heure de la prière approche, je voudrais entrer dans cette demeure pour faire mes dévotions en ce jour saint ! » Le bon portier se rebiffa et lui dit d’un ton brusque : « Marche ! ce n’est point ici une mosquée ni un oratoire ; car c’est la maison du marchand Printemps et de son fils Bel-Heureux ! » La vieille répondit : « Je le sais bien ! Mais y a-t-il mosquée ou oratoire plus digne de la prière que la demeure bénie de Printemps et de son fils Bel-Heureux ? Sache aussi, ô toi, portier à la figure sèche, que je suis une femme connue à Damas, dans le palais de l’émir des Croyants. Et j’en suis partie pour visiter les lieux saints et prier dans tous les endroits dignes de vénération. » Mais le portier répondit : « Je veux bien que tu sois une dévote, mais ce n’est point une raison pour entrer