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histoire de bel-heureux…
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du khalifat avait entendu parler de la beauté de Belle-Heureuse, épouse du fils de Printemps le marchand. Et il se dit en son âme : « Il me faut absolument trouver le moyen d’enlever cette Belle-Heureuse dont on me vante les perfections et l’art dans le chant ! Ce sera un magnifique cadeau à faire à mon maître l’émir des Croyants, Abd El-Malek ben-Merouân ! »

Un jour donc le gouverneur de Koufa résolut de mettre son projet à exécution ; et, dans ce but, il fit mander près de lui une vieille femme fort rouée qui était chargée, en temps ordinaire, du recrutement et de l’instruction spéciale des jeunes esclaves. Et il lui dit : « Je te demande d’aller à la maison du marchand Printemps et de faire la connaissance de l’esclave de son fils, l’adolescente nommée Belle-Heureuse, que l’on dit si versée dans l’art du chant et si belle ! Et il faut, d’une façon ou d’une autre, que tu me l’amènes ici, car je veux l’envoyer en cadeau au khalifat Abd El-Malek. » Et la vieille répondit : « J’écoute et j’obéis ! » et s’en alla aussitôt se préparer dans ce but.

Le matin, à la première heure, elle se vêtit de bure et se passa au cou un énorme chapelet aux grains par milliers, attacha une gourde à sa ceinture, prit à la main une béquille et se dirigea à pas fatigués vers la maison de Printemps en s’arrêtant de temps à autre pour soupirer avec componction : « Louange à Allah ! Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah ! Il n’y a de recours qu’en Allah ! Allah est le plus grand ! » Et elle ne cessa de se comporter de la sorte tout le long du chemin, à la grande édification des