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histoire de karamalzamân avec boudour
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tement des femmes, après avoir toutefois minutieusement rempli les devoirs du rite ; et il choisit la plus jeune de ses femmes, celle qui avait les hanches les plus somptueuses, une vierge de race, et s’introduisit en elle cette nuit-là. Et du coup il la féconda, à l’heure et à l’instant. Et au bout de neuf mois, jour pour jour, elle accoucha d’un enfant mâle, au milieu des réjouissances et au son des clarinettes, des fifres et des cymbales.

Or, l’enfant qui venait de naître fut trouvé si beau, et il était tellement comme la lune, que son père, émerveillé, l’appela Kamaralzamân[1].

Et de fait, cet enfant était bien la plus belle des choses créées ! On le constata surtout quand il devint un adolescent et que la beauté eut secoué sur ses quinze ans toutes les fleurs qui charment l’œil des humains. Avec l’âge, en effet, ses perfections étaient arrivées à leur limite ; ses yeux étaient devenus plus magiciens que ceux des anges Harout et Marout, ses regards plus séducteurs que ceux de Taghout, et ses joues plus plaisantes que les anémones. Quant à sa taille, elle s’était faite plus souple que la tige du bambou et plus fine qu’un fil de soie. Mais pour ce qui est de sa croupe, elle s’était alourdie si considérablement qu’on l’eût prise pour une montagne de sable mouvant, et que les rossignols, en la voyant, se mettaient à chanter.

Aussi il ne faut point s’étonner que sa taille si délicate se soit tant de fois plainte du poids énorme qui la suivait, et qu’elle ait si souvent, lasse de sa charge, fait la moue à ces fesses.

  1. Kamaralzamân : la Lune du Siècle.