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les mille nuits et une nuit

À ces paroles, Kamaralzamân qui, bien que libéré de ses liens depuis l’arrivée à bord, n’avait prononcé mot et s’était laissé aller à sa destinée, ne put supporter pareille imputation et s’écria : « Je me réfugie en Allah ! N’as-tu pas honte de parler de la sorte, ô capitaine ? Prie pour le Prophète ! » Le capitaine répondit : « Que la bénédiction d’Allah et la prière soient sur Lui [le Prophète] et sur tous les siens ! Mais c’est bien toi qui as enculé le garçon ! »

À ces paroles, Kamaralzamân s’écria de nouveau : « Je me réfugie en Allah ! » Le capitaine répliqua : « Qu’Allah nous fasse miséricorde ! Nous nous mettons sous sa garde ! » Et Kamaralzamân reprit : « Ô vous tous, je jure sur la vie du Prophète (sur Lui la prière et la paix !) que je ne comprends rien à pareille accusation et que je n’ai jamais mis les pieds dans cette île d’Ébène, où vous me menez, et dans le palais de son roi ! Priez pour le Prophète, ô bonnes gens ! » Alors tous répliquèrent, suivant l’usage : « Que sur Lui soit la bénédiction ! »

Mais le capitaine reprit : « Alors tu n’as jamais été cuisinier et tu n’as jamais déchiré d’enfant dans ta vie ? » Kamaralzamân, à la limite de l’indignation, cracha à terre et s’écria : « Je me réfugie en Allah ! Faites de moi ce que vous voudrez, car, par Allah ! ma langue ne tournera plus pour de pareilles réponses ! » Et il ne voulut plus dire un mot. Alors le capitaine reprit : « Quant à moi, ma mission sera accomplie quand je t’aurai livré au roi. Si tu es innocent, tu te débrouilleras comme tu pourras ! »

Sur ces entrefaites, le navire arriva à l’île d’Ébène heureusement ; et aussitôt le capitaine débarqua et