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histoire de karamalzamân avec boudour
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À ces paroles, le capitaine ne put répondre que par l’ouïe et l’obéissance et, malgré le préjudice que ce départ forcé portait à ses marchandises, il pensa en être tout de même dédommagé à son retour par le roi, et mit aussitôt à la voile. Et Allah lui écrivit une si heureuse navigation qu’il arriva en quelques jours à la ville mécréante, et débarqua de nuit avec les marins les plus solides de son équipage.

Aussitôt il se rendit avec son escorte au jardin habité par Kamaralzamân et frappa à la porte.

À ce moment, Kamaralzamân, ayant fini son travail de la journée, était assis fort triste et, les larmes aux yeux, se récitait des vers sur la séparation. Mais en entendant frapper à la porte il se leva et alla demander : « Qui est là ? » Le capitaine prit une voix cassée et dit : « Un pauvre d’Allah ! » À cette supplique, dite en arabe, Kamaralzamân sentit battre son cœur de commisération ; il ouvrit. Mais aussitôt il fut appréhendé et garrotté ; et son jardin fut envahi par les marins qui, voyant les vingt pots rangés comme la première fois, se hâtèrent de les emporter. Puis ils s’en retournèrent tous au navire et mirent immédiatement à la voile.

Alors le capitaine, entouré de ses hommes, s’approcha de Kamaralzamân et lui dit : « Ah ! c’est toi l’amateur de garçons qui a déchiré l’enfant, dans la cuisine du roi ! À l’arrivée du navire, tu trouveras le pal tout prêt à te rendre la pareille, à moins que dès maintenant tu ne préfères être embroché par ces gaillards continents ! » Et il lui montra les marins qui clignaient de l’œil en le regardant, car ils le trouvaient excellent comme aubaine à se mettre sous la dent.