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histoire de karamalzamân avec boudour
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petite maison, il s’effondra sur le matelas et pleura sur lui-même, sur sa bien-aimée Boudour et sur le talisman qu’il venait de perdre pour la seconde fois.

L’affliction de Kamaralzamân fut donc sans limites quand il se vit forcé, par le destin farouche, de rester encore dans ce pays inhospitalier jusqu’à une date inconnue ; et la pensée d’avoir pour toujours perdu le talisman de Sett Boudour le désolait encore bien plus, et il se disait : « Mes malheurs ont commencé avec la perte du talisman ; et la chance m’est revenue quand je l’ai retrouvé ; et maintenant que je l’ai reperdu, qui sait les calamités qui vont s’abattre sur ma tête ! » Il finit pourtant par s’écrier : « Il n’y a de recours qu’en Allah le Très-Haut ! » Puis il se leva et, pour ne pas risquer de perdre les dix autres vases qui formaient le trésor souterrain, il alla acheter vingt nouveaux pots, y mit la poudre et les lingots d’or et acheva de les remplir d’olives jusqu’au haut, en se disant : « Ils seront ainsi prêts, le jour qu’Allah écrira pour mon embarquement ! » Et il recommença à arroser les légumes et les arbres à fruits, en se récitant des vers bien tristes sur son amour pour Boudour. Et voilà pour lui !

Quant au vaisseau, il eut un vent favorable, et ne tarda pas à arriver à l’île d’Ébène, et alla mouiller juste au-dessous de la jetée où s’élevait le palais qu’habitait la princesse Boudour sous le nom de Kamaralzamân.

À la vue de ce navire qui entrait, toutes ses voiles déployées et toutes ses bannières au vent, Sett Boudour eut une envie extrême de l’aller visiter,