Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 5, trad Mardrus, 1900.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
les mille nuits et une nuit

Il mena alors le jardinier à l’endroit où s’élevait le caroubier déraciné, souleva la grande plaque et, malgré sa surprise et sa frayeur, il le fit descendre dans le caveau et découvrit devant lui les vingt vases remplis de lingots et de poudre d’or. Et le bon jardinier, ébahi, levait les bras et ouvrait de grands yeux en disant, devant chaque vase : « Ya Allah ! » Puis Kamaralzamân lui dit : « Voici maintenant ton hospitalité récompensée par le Donateur ! La main même que l’étranger tendait vers toi, pour être secouru dans l’adversité, du même geste fait couler l’or dans ta demeure ! Ainsi le veulent les destinées propices aux si rares actions colorées par la beauté pure et par la bonté des cœurs spontanés ! »

À ces paroles, le vieux jardinier, sans pouvoir prononcer une parole, se mit à pleurer, et les larmes glissaient silencieusement dans sa longue barbe et jusque sur sa poitrine. Puis il put parler et dit : « Mon enfant, que veux-tu qu’un vieillard comme moi fasse de cet or et de ces richesses ? Je suis pauvre, en vérité, mais mon bonheur est suffisant et il sera complet si tu veux bien me donner seulement un drachme ou deux pour acheter un linceul qu’en mourant dans ma solitude je déposerai à mes côtés, afin que le passant charitable y mette ma dépouille, en vue du jugement ! »

Et cette fois ce fut au tour de Kamaralzamân de pleurer. Puis il dit au vieillard : « Ô père de la sagesse, ô cheikh aux mains parfumées, la sainte solitude où s’écoulent tes années pacifiques efface devant tes yeux les lois, faites pour le bétail adamique, du juste et de l’injuste, du faux et du vrai !