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les mille nuits et une nuit

Or, un jour que le jardinier était allé, selon son habitude, faire son tour du côté du port dans le but de trouver le navire qui consentît à prendre son hôte, Kamaralzamân était assis bien triste dans le jardin et se récitait des vers, en regardant s’ébattre les oiseaux, quand soudain son attention fut attirée par les cris rauques de deux grands oiseaux. Il leva la tête vers l’arbre d’où venait ce bruit, et vit une dispute acharnée à coups cruels de bec, de griffes et d’ailes. Mais bientôt, juste devant lui, l’un des deux oiseaux dégringola sans vie, alors que le vainqueur prenait son vol vers le loin.

Mais, au même moment, deux oiseaux bien plus grands, perchés sur un arbre du voisinage, et qui avaient vu le combat, vinrent se poser aux côtés du mort ; l’un se plaça à la tête du défunt et l’autre à ses pieds ; puis tous deux inclinèrent tristement la tête et se mirent notoirement à pleurer.

À cette vue, Kamaralzamân fut ému à l’extrême et pensa à son épouse Sett Boudour, puis se mit, par sympathie pour les larmes des oiseaux, à pleurer également.

Au bout d’un certain temps, Kamaralzamân vit les deux oiseaux creuser une fosse avec leurs griffes et leurs becs et y enterrer le mort. Puis ils s’envolèrent et, au bout de quelques moments, ils revinrent à l’endroit même de la fosse, mais en tenant, l’un par l’aile et l’autre par les pieds, l’oiseau meurtrier qui faisait de grands efforts pour s’échapper et lançait des cris effroyables. Ils le déposèrent, sans le lâcher sur la tombe du défunt, et de quelques rapides coups de bec, ils l’éventrèrent, pour venger ainsi le crime,