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les mille nuits et une nuit

Mais quand Sett Boudour vit, au bout de deux jours, que son époux ne revenait pas, au lieu de s’affoler comme toute femme l’eût fait en pareille circonstance, elle trouva dans le malheur une fermeté dont les personnes de son sexe sont d’ordinaire bien dénuées. Elle ne voulut rien dire à personne au sujet de cette disparition, de peur d’être trahie ou mal servie par ses esclaves ; elle enfonça sa douleur dans son âme, et défendit à la jeune suivante qui la servait d’en rien dire. Puis, comme elle savait combien sa ressemblance était parfaite avec Kamaralzamân, elle quitta aussitôt ses habits de femme, et prit dans la caisse les effets de Kamaralzamân, et commença à s’en vêtir.

Elle mit d’abord une belle robe rayée, bien ajustée à la taille et laissant le cou dégagé ; elle s’entoura d’une ceinture en filigrane d’or où elle passa un poignard à poignée de jade incrustée de rubis ; elle s’enveloppa la tête d’un foulard de soie multicolore qu’elle serra autour de son front avec une triple corde en poil soyeux de jeune chameau et, ces préparatifs faits, elle prit un fouet à la main, se cambra les reins et ordonna à sa jeune esclave de s’habiller des vêtements qu’elle venait elle-même de quitter et de marcher derrière elle. De la sorte tout le monde, en voyant la suivante, pouvait se dire : « C’est Sett Boudour ! » Elle sortit alors de la tente et donna le signal du départ.

Sett Boudour, déguisée de la sorte en Kamaralzamân, se mit à voyager, suivie de son escorte, pendant des jours et des jours, jusqu’à ce qu’elle fût arrivée devant une ville située sur le bord de la mer.