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histoire de karamalzamân avec boudour
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être tentés de se laver, ont commencé par détruire les hammams et les fontaines publiques ; et ils ont construit sur leur emplacement des boutiques tenues par des putains qui vendent, en guise de boisson, un liquide jaune avec de l’écume qui doit être de l’urine fermentée, ou pis encore ! Quant à leurs épouses, ô mon fils, c’est la calamité la plus abominable ! Comme leurs hommes, elles ne se lavent guère, mais elles se blanchissent seulement la figure avec de la chaux éteinte et des coquilles d’œufs pulvérisées ; de plus, elles ne portent point de linge, ni de caleçon qui puisse les garantir, par en bas, contre la poussière du chemin. Aussi leur approche, mon fils, est-elle pestilentielle ; et le feu de l’enfer ne suffirait pas pour les nettoyer ! Voilà, ô mon fils, au milieu de quelles gens je termine une existence que j’ai eu grand’peine à sauver du désastre. Car, tel que tu me vois, je suis le seul musulman ici encore en vie ! Mais remercions le Très-Haut qui nous a fait naître dans une croyance aussi pure que le ciel d’où elle nous est venue ! »

Ayant dit ces paroles, le jardinier jugea, à la mine fatiguée du jeune homme, qu’il devait avoir besoin de nourriture, le conduisit à sa modeste maison, au fond du jardin, et, de ses propres mains, lui donna à manger et à boire. Après quoi il l’interrogea discrètement sur l’événement qui motivait son arrivée…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.