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histoire du roi omar … (aziz, aziza)
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À peine étais-je dans ma cachette que je vis, dans l’entre-bâillement de la porte du jardin, apparaître la tête d’un eunuque noir qui demanda à haute voix : « Ô cheikh gardien, y a-t-il quelqu’un par ici ? La princesse Donia arrive ! » Il répondit : « Ô chef du palais, je n’ai personne dans le jardin ! » Et il se hâta de courir et d’ouvrir toute grande la porte.

Alors, seigneur, je vis entrer par la porte Sett-Donia, et je crus que la lune elle-même descendait sur la terre. Et sa beauté était telle que je restai cloué sur place, hébété, sans mouvement, mort. Et je la suivais du regard, sans pouvoir émettre un souffle, malgré l’ardeur où j’étais de lui parler ; et je demeurai immobile à ma place, durant toute la promenade que fit la princesse, absolument comme l’altéré du désert qui tombe à bout de forces sur les bords du lac sans pouvoir se traîner jusqu’à l’eau limpide.

Je compris alors, seigneur, que ni la princesse Donia ni aucune autre femme ne pouvaient désormais courir de risques devant la femme que j’étais moi-même devenu.

J’attendis donc que la Sett-Donia fût sortie, pour prendre congé du cheikh gardien ; et je me hâtai d’aller rejoindre les marchands de la caravane, en me disant : « Ô Aziz, qu’es-tu devenu, Aziz ? Un ventre lisse qui ne peut plus dompter les amoureuses ! Va ! retourne près de ta pauvre mère mourir en paix dans la maison vide de son maître ! Car pour toi désormais la vie n’a plus de sens ! » Et, malgré toutes les peines du voyage que j’avais fait pour arriver dans ce royaume, mon désespoir fut