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les mille nuits et une nuit

s’étaient écoulés, et déjà les coqs se mettaient à chanter la première aube. De sorte que la faim commença à se faire sentir ; et peu à peu elle devint si forte que mon âme désira le goût des plateaux ; et je ne pus guère résister à mon âme ; bientôt je fus debout ; j’enlevai alors les grands foulards, et je mangeai jusqu’à satiété, et je bus un verre et puis deux verres et jusqu’à dix verres. Alors ma tête s’alourdit ; mais je luttai avec énergie et me roidis et agitai ma tête dans tous les sens. Mais, au moment même où j’allais me laisser aller sans plus, j’entendis quelque chose comme un bruit de rires et de soieries. Et j’avais à peine eu le temps de sauter vivement sur mes pieds et de me laver les mains et la bouche, quand je vis le grand rideau du fond se relever. Et, souriante et entourée de dix jeunes femmes esclaves, belles comme les étoiles, elle entra. Et c’était la lune elle-même. Elle était vêtue d’une robe de satin vert toute brodée d’or rouge. Et, pour t’en donner une idée seulement, ô mon jeune seigneur, je te dirai les vers du poète :

La voici ! de regard hautain, la fille magnifique ! À travers la robe verte sans boutons les seins éclatants se tendent joyeux ; et la chevelure est dénouée.

Et moi, ébloui, si je lui demande son nom, elle me répond : « Je suis celle qui brûle les cœurs des amants sur un feu immortel ! »

Et si je parle des tortures d’amour, elle me dit : « Je suis la roche sourde et l’azur sans écho ! Ô naïf ! se plaint-on de la surdité de la roche ou de l’azur ? »

Mais je lui dis alors : « Ô femme ! si ton cœur est la roche, sache que mes doigts, comme autrefois