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les mille nuits et une nuit

à moins qu’il ne vous agrée de nous faire le considérable honneur de rester au milieu de nous ! » Et ils se mirent aussitôt à notre service, en nous faisant promettre seulement de ne point les déceler et d’oublier les instants désagréables passés.

« Ils nous conduisirent donc au bord du fleuve ; et nous ne pensions pas encore à nous communiquer nos inquiétudes tant l’appréhension nous tenait encore haletants et tant nous étions enclins à croire que tous ces événements se passaient en rêve. Puis, avec de grandes marques de respect, les dix nous aidèrent à descendre dans leur barque et se mirent tous à ramer si vigoureusement qu’en un clin d’œil nous étions sur l’autre rive. Mais à peine étions-nous débarqués, quelle fut notre terreur de nous voir soudain cernés de tous côtés par les gardes du gouverneur, et capturés immédiatement ! Quant aux voleurs, comme ils étaient restés dans la barque, ils eurent le temps, en quelques coups de rames, de se mettre hors de toute portée.

« Alors le chef des gardes s’approcha de nous et, d’une voix menaçante, nous demanda : « Qui êtes-vous et d’où venez-vous ? » Et nous, saisis de frayeur, nous demeurâmes interdits : ce qui augmenta encore la méfiance du chef des gardes, qui nous dit : « Vous allez me répondre exactement, ou, sur l’heure, je vais vous lier les pieds et les mains et vous faire emmener par mes hommes ! Dites-moi donc où vous demeurez, dans quelle rue et dans quel quartier ! » Alors moi, voulant à tout prix sauver la situation, je jugeai qu’il fallait parler et je répondis : « Ô seigneur, nous sommes des joueurs d’instru-