Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 4, trad Mardrus, 1900.djvu/295

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de ben-bekar et de schamsennahar
289

je suis prêt à enlever un de mes yeux pour le lui donner ! Mais, Abalhassan ! tu as une famille, une mère, des sœurs et des petits frères ! Dans quelles infortunes ne seront-ils pas par ton imprudence ? En vérité, cela ne peut longtemps durer de la sorte ! Dès demain j’irai retrouver Ben-Bekar et je tâcherai de l’arracher à cet amour aux conséquences déplorables ! S’il ne m’écoute pas, Allah m’inspirera la conduite à tenir ! » Et Abalhassan, la poitrine rétrécie de ses pensées, ne manqua pas, dès le matin, d’aller retrouver son ami Ben-Bekar. Il lui souhaita la paix et lui demanda : « Ya Ali, comment vas-tu ? » Il répondit : « Plus mal que jamais ! » Et Abalhassan lui dit : « Vraiment, de ma vie je n’ai encore vu ni entendu parler d’une aventure pareille à la tienne, ni connu un amoureux aussi étrange que toi ! Tu sais que Schamsennahar t’aime autant que tu l’aimes, et, malgré cette assurance, tu souffres et ton état s’aggrave de jour en jour ! Que serait-ce alors si celle que tu aimes tant ne partageait pas ton affection et si, au lieu d’être sincère dans son amour, elle était comme la plupart des femmes amoureuses qui aiment avant tout le mensonge et les ruses de l’intrigue ? Mais surtout, ô Ali, songe aux malheurs qui s’abattraient sur nos têtes si cette intrigue venait à être connue du khalifat ? Or, il n’y aurait vraiment rien d’improbable à ce que cela arrivât, car les allées et venues de la confidente vont éveiller l’attention des eunuques et la curiosité des esclaves : et alors Allah seul pourra savoir l’étendue de notre calamité à tous ! Crois-moi, ô Ali, en persistant dans cet amour sans