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les mille nuits et une nuit

la lettre de Schamsennahar. Et Ben-Bekar la prit et la porta à ses lèvres, puis à son front et, comme il était trop faible pour la lire, il la tendit à Abalhassan, qui y trouva, écrits de la main de la favorite, des vers où toutes ses peines d’amour étaient contées dans les termes les plus touchants. Et comme Abalhassan jugeait que cette lecture mettrait son ami dans les pires états, il se contenta de lui en résumer le contenu en quelques mots fort jolis, et lui dit : « Je vais tout de suite, ô Ali, me charger de la réponse, que tu signeras ! » Et cela fut fait d’une façon parfaite, et Ben-Bekar voulut que le sens général de cette lettre fût ceci : « Si la douleur était absente des amours, les amants n’éprouveraient guère de délices à s’écrire ! » Et il recommanda à la confidente, avant qu’elle n’eût pris congé, de raconter à sa maîtresse tout ce qu’elle avait vu de sa douleur. Après quoi il lui remit sa réponse en l’arrosant de ses larmes ; et la confidente fut tellement touchée qu’elle aussi se mit notoirement à pleurer, et se retira enfin en lui souhaitant la paix du cœur. Et Abalhassan sortit également pour accompagner la confidente dans la rue ; et il ne la quitta que devant sa boutique où il lui fit ses adieux, et il retourna dans sa maison.

Or, Abalhassan, en arrivant à sa maison, se mit pour la première fois à réfléchir sur la situation, et se parla de la sorte à lui-même, en s’asseyant sur le divan :

« Ô Abalhassan, tu vois bien que la chose commence à devenir fort grave ! Qu’adviendrait-il si l’affaire venait à être connue du khalifat ? Ya Allah ! qu’adviendrait-il ? Certes, j’aime tant Ben-Bekar que