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les mille nuits et une nuit

Mais hâte-toi ! Verse-moi la cause d’allégresse, cette liqueur d’oubli, enfant aux joues plus douces que le baiser sur la bouche des vierges ! »

À ce chant, le prince Ali, déjà si faible, fut dans un tel état d’anéantissement, causé par les souvenirs intenses qui lui revenaient à la mémoire, qu’il se mit à pleurer de nouveau ; et Abalhassan ne sut plus que lui dire pour le calmer, et passa encore toute cette nuit-là à son chevet, à le veiller, sans fermer l’œil un instant. Puis, vers le matin, il se décida tout de même à aller ouvrir sa boutique qu’il négligeait fort depuis un certain temps. Et il y resta jusqu’au soir. Mais au moment où, ayant fini de vendre et d’acheter, il venait de faire rentrer les étoffes à l’intérieur et se disposait à s’en aller, il vit arriver, voilée, la jeune confidente de Schamsennahar qui, après les salams d’usage, lui dit : « Ma maîtresse vous envoie à toi et à Ben-Bekar ses souhaits de paix et me charge, comme il était convenu, de venir prendre des nouvelles de sa santé ! Comment va-t-il ? dis-le moi ! » Il répondit : « Ô gentille, ne m’interroge point ! Car vraiment ma réponse serait trop triste ! Car l’état de notre ami est loin d’être brillant ! Il ne dort plus ! Il ne mange plus ! Il ne boit plus ! Et il n’y a plus que les vers qui le tirent un peu de sa langueur ! Ah ! si tu voyais la pâleur de son teint ! » Elle dit : « Quelle calamité sur nous ! Enfin, voici : ma maîtresse, qui n’est guère mieux, au contraire ! m’a chargée de porter à son amoureux cette lettre que j’ai là, dans les cheveux. Et elle m’a bien recommandé de ne point retourner sans la réponse. Veux tu donc m’accompa-